
Cela fait maintenant quelques années que je suis l'actualité musicale d'Anna Ternheim : j'ai écouté tous ses disques toujours avec un plaisir immense et s'est imposée peu à peu comme une chouchoute. Si au départ je n'ai pas eu le coup de foudre, je me suis attachée à sa musique sombre et finement écrite, à sa voix qui caresse les oreilles et touche l'âme. Ce n'est pas le genre d'artiste qui s'impose dans un coup d'éclat (un peu à l'image d'Ane Brun qui peut paraître, au premier abord, un peu trop sobre) : elle s'installe, elle s'insinue avec douceur dans le quotidien et puis on ne peut plus s'en passer. Finalement, c'est très bien ainsi car les feux de paille sont souvent éphémères. Quand en septembre, j'ai entendu dans la version acoustique What I Have Done, j'ai eu les tripes remuées, j'ai adoré sublimer cette chanson avec ses arrangements minimalistes mais si sophistiqués avec ses notes de piano fracassantes et cette profondeur dégagée par l'interprétation d'Anna, j'ai su que cet album n'allait pas me rendre insensible.
La version de What I Have Done sur l'album plus élaborée est très différente de cette version acoustique envoûtante. Le rythme du tempo est accéléré, les arrangements de cordes somptueux, le tout est très original (un peu dans la même veine d'une des dernières artistes produites par le même Björn, la pétillante Lykke Li). Et si le résulat peut paraître déroutant par rapport à la premier version et par rapport au travail habituel d'Anna, au final l'élégance complexe de ce morceau en fait un petit chef d'oeuvre. Damaged Ones met en évidence les percussions feutrées et la fluidité du son de ce mid tempo sublime. Terrified allie pop glaciale et influences asiatiques de façon magistrale, Anna à la fois sensuelle et toute en retenue offre un texte et une interprétation sublimes. Un de mes morceaux préférés, à écouter d'urgence. Plus impétueux, le rythme de Let It Rain accroche de suite l'oreille, un magnifique écrin à la fois satiné et bouillonnant qui représente un highlight incontournable de l'album.
My Heart Still Beats s'impose au fil des écoutes comme une somptueuse piste aussi délicate qu'émouvante. Ensorcelant. Par contre, l'effet imédiat de plaisir est dévoilé dès la première écoute sur l'entraînant No, I Don't Remember. Mais cela n'est pas qu'une piste "catchy", de nouveau la belle complexité et sobriété des arrangements lui procurent une parure fastueuse. Plus poétique et acoustique, Summer Rain n'est pas sans rappeler les derniers travaux d'Ane Brun, on ne peut qu'être séduit et enchanté par cette belle ballade. Le sublimement efficace et entêtant Losing You, un de mes titres préférées, représente par excellence une des facettes qu'Anna sait gérer parfaitement : faire rimer pop et qualité. Sur le mélancolique et countrysant Off The Road, Anna offre une interprétation éthérée de toute beauté. Ce morceau intimiste et touchant est particulièrement beau. Le désert du Névada ne doit pas être loin... Black Sunday Afternoon clôt l'album sur une note moriconienne et des arrangements subtils qui touchent à la perfection. Sublime. Époustouflant.
Sur la deuxième galette se trouve les reprises de Frank Sinatra, j'avoue ne pas avoir acheté cette édition sans savoir à l'avance à quoi ressemblaient ces reprises (car souvent cela rime avec excercice inutile et sans intérêt). Ce que je peux dire c'est que le résultat est à la hauteur des espérances. La version New York, New York avec ses cordes fantomatiques et éthérées font ressortir la nostalgie et la mélancolie de ce titre qui revêt un caractère davantage mystique. C'est sublime. Depuis plusieurs jours, je suis sous l'envoûtement total de cette incroyable version de Come Fly With Me. L'écouter c'est en quelque sorte l'adopter. Fly Me To The Moon perd ce côté étincellant et cabotin de Sinatra pour la préférer à une version douce amère attachante. De même That's Life met au placard la version crooner pour mettre en évidence ce texte désabusé et une atmosphère froide et bohémienne. Les arrangements sont particulièrement réussis et travaillés. L'apothéose et la clôture surgit avec cette version de Strangers In The Night, cette version minimaliste qui ne nierait pas Julee Cruise agrémentée de touches électro est à écouter jusqu'à la fin pour entendre les choeurs d'Anna particulièrement angéliques.
18/20 : La perfection nordique... que de débats mouvementés sur cette musique nordique qui se montre de plus en plus ambitieuse par rapport à la musique venant d'Angleterre ou des Etats-Unis qui piétine méchamment. Le ton est donné avec la production d'une sophistication extrême qui ne gâche en rien l'émotion dégagée d'Anna, il ne fait que la mettre en évidence. Je ne peux me lasser d'écouter cet album qui découvre sa complexité qu'après une bonne série d'écoute et que de plaisir, que de plaisir à saisir toute sa subtilité, sa froideur et en même temps sa luminosité. Le meilleur album d'Anna Ternheim mais peut être pas celui par lequel il faut la découvrir sauf pour les personnes qui apprécient une pop élégante et exigente. C'est tout simplement l'un des meilleurs albums de 2008 et assurément l'un de mes préférés.
What I Have Done (Live) :
Summer Rain (Live) :