J'avais promis une chronique de Deeper en juin 2010 mais j'avais peur que nombre d'entre-vous soyez déjà partis en vacances. Ce second album est celui de la divine Maria Neckam pour laquelle j'ai eu un énorme coup de coeur début de cette année. Après vous avoir dit que du bien de son premier essai Crossing and Blending (2008/2009) en avril 2010, cette jeune artiste se devait de réapparaître sur WMIMM pour tous ceux qui n'avaient pas eu l'occasion de découvrir son univers jazzy original qui reflète bien sa personnalité philosophique. Si jeune et pourtant si mature, Maria Neckam qui a été élevée en Autriche, a vécu au Pays-Bas et s'est installée aux Etat-Unis pour parfaire ses études et son art, démontre après des débuts brillants qu'il s'agit bel et bien d'une artiste dont l'imagination et l'intuitivité sont des valeurs encore trop rarement véhiculées sur la scène de jazz vocal féminin, cette dernière se montrant, par moments, encore un peu trop conformiste.
Deeper comme son titre l'indique vaillamment invite à un véritable trip musical d'une grâce, légèreté et élégance réjouissantes. On y retrouve non seulement les deux ingrédients principaux de Crossing and Blending : free jazz rêveur + voix angélique et rafraîchissante de Maria Neckam mais on y découvre aussi de nouvelles dimensions plus "profondes" et davantage travaillées. Soutenue désormais par une nouvelle équipe de musiciens : le pianiste et co-producteur Aaron Goldberg, le contrebassiste Thomas Morgan, le percussionniste Colin Stranahan ainsi que les saxophonistes Lars Dietrich et Samir Zarif, Maria Neckam done libre cours à ses nouvelles compositions davantage colorées et philosophiques. Délaissant les ambiances aériennes et mélancoliques voire quelque peu vindicatives de son premier album, l'artiste préfère développer sur Deeper des tonalités chaleureuses et feutrées rehaussées par des cuivres et un piano omniprésent.
Les compositions se trouvent plus aérées, denses et expérimentales et son écriture a gagné en maturité : la passion y est plus nuancée, la ludicité semble avoir pris le pas sur sa réflexion concernant les rapports humains. Deeper débute sur une note urbaine mettant en évidence les très jolies harmonies vocales de Maria Neckam sur la mélodie. Enchanteur. L'atmopshère soul aux teintes assez so(m)bre qui parcourt Indestructrible Fort n'est pas sans me rappeler certains travaux jazzy de Terry Callier ou plus récemment du génial José James. Ce magnifique morceau en free style gagne en intensité pendant un peu plus de 6 minutes. D'une simplicité à la base désarmante Happy Song s'impose rapidement comme un titre rayonnant desservant des ondes positives. Proposant des sonorités mélancoliques, When You're In Love touche de par sa sobriété et son charme alors qu'en total contraste l'expressionniste Fear s'avère un titre survolté fourmillant d'idées éparpillées pendant sa durée de 8 minutes. Expérimental et intense. En a cappella, Remember se base uniquement sur le duo harmonieux qui s'opère entre le brillant vocaliste new-yokais Peter Elridge et Maria Neckam. Un moment féerique hors du temps. L'indomptable et belle rêverie instiguée par Blown Away sera balayée par la détresse et la nervosité magnifiées sur le délirant Missing You. Envoûtant au possible grâce au solos de saxophones et au scat minimaliste de Maria Neckam le titre Learn My Tongue est une petite merveille légère et lumineuse. Une version longue du titre éponyme Deeper parachève cet album qui n'a cessé de piquer la curiosité de l'auditeur.
Un second album qui confirme toute l'originalité et l'inventivité de l'artiste Maria Neckam. A conseiller pour les amateurs de free jazz léger et lumineux, à ceux qui n'aiment que le jazz vocal balisé, vous risquez de vous ennuyer cependant il serait dommage de ne pas se laisser séduire et emporter par ce chant d'oiseau d'une grande beauté et fraîcheur.
Note Finale : 17,5/20
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