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vendredi 9 juillet 2010

2010 - Gemma Ray - It's A Shame About Gemma Ray - Review - Chronique d'une artiste qui a pris un raccourci lui permettant de briller au firmament



<it's a shame by Sabrine Carrein on Grooveshark

Depuis 2008, la rockeuse britannique Gemma Ray ne cesse de rester sous les feux de l'actualité musicale : en l'espace de trois années, cette dernière a sorti 3 albums : The Leader (2008, en écoute sur Deezer), Light Out Zoltar! (que j'ai chroniqué ici) et cette année, précisément au tout début juin 2010, son troisième opus It's A Shame About Gemma Ray. Cette hyperactivité musicale est le fruit d'une imagination débordante et d'un talent inné chez Gemma Ray à nous faire voyager, fantasmer dans des mondes musicaux aussi divers que variés : musiques de films de Moricone à Tarantino, pop girly des années 60's, musique americana avec une touche de psychédélisme et de lounge, auxquels elle a ajouté de nouvelles dimensions : satinée, sensuelle, vénéneuse et captivante.

Si ses deux premiers albums studio The Leader et Light Out Zoltar! se sont révélés être des must en ce qui concerne la pop noir luxuriante, nous offrant un florilège de morceaux aux mélodies mémorables et sophistiquées, cependant on ne pouvait s'empêcher de penser que son potentiel (et âme) de rockeuse n'avait pas encore eu l'occasion d'éclore exactement de la façon qu'elle désirait, la faute sans doute à une production mettant davantage l'accent sur les sonorités pop trop polissées par moments. Son nouvel opus It's A Shame About Gemma Ray vient réparer cette légère insatisfaction. En premier lieu, cet album a été une surprise quant à sa sortie aussi soudaine qu'imprévue car son prédécesseur commençait tout doucement à faire parler de lui même si avec un peu de retard. Ensuite, cet opus, généreux de 16 chansons, est constitué uniquement de reprises qui s'avèrent aussi audacieuses qu'alléchantes sur papier (cela va de Gershwin à Sonic Youth).

Très loin du feu d'artifice musical auquel elle nous avait habituée, la musique de Gemma Ray se retrouve, sur ce nouveau disque, dénudée de tout artifice superflu. En effet, l'artiste se trouve simplement accompagnée de sa guitare électrique sublimée par la technique du reverb (à laquelle, ses acolytes ajouteront, à dose homéopathique, quelques percussions) afin d'apporter une profondeur et un aspect aérien et hanté aux morceaux qu'elle se réapproprie avec maestria. Cet exercice de style garage/blues minimaliste, enregistré en l'espace de 5 jours chez son ami et producteur Matt Verta-Ray, lui vaut à ce jour son meilleur disque car il évoque sans conteste l'authenticité et l'intensité d'artistes comme Nick Cave ou PJ Harvey. L'album débute sur une première partie de 8 chansons dénommée Boys sous la forme du son aiguisé et noisy de Put A Bold In The Door (du groupe Gallon Drunk) sur lequel la voix de Gemma Ray prend des intonations doucement implorantes. Magnifique. I'd Rather Be Your Ennemy de Lee Hazlewood délaisse le côté cowboy de l'original pour adopter une essence saturée plus mordante et abrasive. Jouissif.

Contrairement à la version originale Ghosts On The Highway des Gun Club, la nouvelle mouture ressemble une ballade aux accents western lancinants. Brûlant. Une fois dépouillée, S.U.D, du groupe rock Obits, s'avère être un morceau heartbreaking sur lequel font écho, avec splendeur, les harmonies vocales de Gemma Ray. Touch Me I'm Sick des Mudhoney préfère mettre, dans ce cas de figure, l'accent sur son côté infectieux et sa sensualité mortuaire exacerbée. L'ambiance malsaine qu'arrive à instaurer cette nouvelle version est tout simplement époustouflante. Un petit chef d'oeuvre. Le ciel s'éclairci légèrement avec la reprise de Just Because de Lloyd Price, ce morceau soul se trouve détourné en lullaby hypnotisante et sexy. La tension latente sur Swampsnake (Alex Harvey Band) ainsi que la douceur évanescente d'Everyday (Buddy Holly) nous font littéralement perdre pied et succomber au sort jeté par l'angélisme toxique de Gemma Ray mais ce n'est rien en comparaison du morceau crossover hardi réalisé entre Rosemary's Baby (paroles reprises du film culte de Polanski) et Drunken Butterfly (Sonic Youth). Une pure merveille étouffante et incandescente.

La seconde partie consacrée aux "Girls" de l'album démarre avec la reprise du titre yiddish traditionnel Bei Mir Bist Du Shein qui se pare d'habits americana inédits et dépaysants. Exclentissime. Avec la cover remaniée par Gemma Ray de Big Spender, l'auditeur se retrouve bien loin de la version originale écrite par Cy Coleman and Dorothy Fields pour le film Sweet Charity de Bob Fosse mais surtout popularisée par Shirley Bassey. Fini la sensualité un peu laborieuse du titre original, l'atmosphère ici est sobre, glacée, désespérée et clinique. Le résultat est enthousiasmant, intrépide et envoûtant. Les derniers souffles de Gemma Ray présents sur le titre vous poursuivront au-delà de l'écoute de ce morceau. Le blues de Looking The World Over (Memphis Minnie) prend un tournure synthétique lui donnant un aspect grinçant et oppressant ; cela lui permet au final de se moderniser de façon spectaculaire. Only To Other People (The Cookies) permet d'apporter une bouffée d'air frais tandis que la soul originale et puissante d'I'd Rather Go Blind (Etta James) devient un superbe blues électrique fantomatique. Ensorcelant. Les nouvelles profondeurs musicales apportées aux classiques du jazz : I'm Gonna Lock My Heart (Billie Holiday) et I've Got A Crush On You (Gershwin/Ella) leur permettent de nous noyer en douceur, complètement submergés de bonheur par le chant de sirène habité de l'artiste.

Une oeuvre sombre, intime et puissante en émotions qui permet à Gemma Ray réaliser l'album de reprises le plus intéressant, palpitant et excitant de 2010. It's definitively a shame she's not more well-known right now. Un must have de 2010.

Note Finale : 18/20

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Le Store de son label : BRONZERAT RECORDS (le cd est vendu pour +/- de 9 euros avec frais d'envoi compris)

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2 commentaires:

Dsata a dit…

Merci pour ce superbe post.

A noter : Hugo Cassavetti a consacré sa chronique sur telerama.fr à Agnes Obel, Gemma Ray, Anni Rossi & Ganglians :
http://www.telerama.fr/musique/hors-pistes-81-agnes-obel-gemma-ray-anni-rossi-ganglians,57834.php

Paule a dit…

Cette interprétation de I'll rather go blind est vraiment extraordinaire!!! C'est une de mes chansons préférées, je n'en connaissais que la version d'Etta James. Super blog, je suis contente de le découvrir...Je ne connaissais pas du tout cette jeune chanteuse. Sa voix est superbe...Merci!

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