With Music In My Mind: 2011 - The Sandman's Orchestra - Silver Linings

C'est une histoire de famille. Lors d'un déjeuner, Léonie Gabriel, âgée de 15 ans, prend sa guitare et décide de chanter quelques reprises devant les membres de sa famille. C'est à ce moment précis que survient le choc : celui de la découverte d'une voix exceptionnelle, d'une maturité, pureté et clarté exceptionnelles. Ce mini concert n'est pas tombé dans l'oreille d'un sourd : Pierre Laplace son oncle, impressionné, lui propose de travailler avec lui. En effet, ce dernier n'est pas un inconnu sur la scène musicale, il a fait partie du groupe lillois Vera Clouzot qui a existé pendant une petite quinzaine d'années et sorti pas moins de quatre opus studio, leur musique pouvant être comparée à Smog et Red House Painters. C'est ce déjeuner qui fut la première pierre à l'édifice de leur projet The Sandman's Orchestra.

Leur premier opus Silver Lining, apparu uniquement sur la plateforme Bandcamp en 2011, est un disque de folk/jazz noir au service de la superbe symbiose existant entre les deux protagonistes : Léonie chante avec intensité et sincérité les beaux textes subtils poétiques de Pierre Laplace et celui-ci s'avère une partenaire vocal aussi complémentaire qu'indispensable avec sa très belle voix grave et captivante. Ce qui est le plus agréable, à l'écoute de ce merveilleux et inattendu disque, est qu'il ne ressemble à rien d'autre, ne souffre d'aucune comparaison, car le duo a réussi à créer, en l'espace d'un seul disque, un univers musical remarquable : personnel, intimiste, so(m)bre et profond. Silver Lining résulte d'un travail d'orfèvre particulièrement minutieux : de son écriture à la production, Pierre Laplace a maîtrisé son sujet, ce multi-instrumentaliste a expérimenté, pendant deux ans dans son studio personnel, afin de peaufiner chaque détail et cela s'entend, rien n'est laissé au hasard juste celui des émotions qui en découlent car Silver Lining fait partie de ces grands et beaux albums dont on ne se lasse d'écouter.

Dès son ouverture sur Cast A Shadow, le sort est jeté, le charme opère immédiatement sur base de quelques notes de banjo auréolées de la présence angélique de Léonie et avec en arrière plan, comme une ombre inquiétante, celle du destin, la voix de Pierre. Sans prévenir, l'élégante ballade How Lonely tisse une toile délicate dans laquelle nous nous retrouvons comme engourdis devant sa beauté vénéneuse et troublante. Une merveille qui en appelle souvent une autre cette fois-ci sous la forme du cabaret jazz May Flowers, ce titre, smoky à souhait, donne littéralement le vertige avant que le subtil et planant You Won't Be Lost nous réchauffe quelque peu avec sa douceur indolente et son refrain sensuel. Le tempo accélère et l'ambiance se fait plus sentencieuse sur le surréaliste To The Moon dont le coeur bat au rythme des belles vocalises de Léonie. Qu'il est bon se laisser bercer sur le mélodieux duo délivré sur le sublime et hypnotique How We Used To Feel et émouvoir sur la berceuse à fleur de peau Cradle Of Light. Renouant avec des sonorités folk roots, Hello Stranger enchante de par la grâce véhiculée par le chant élégiaque de Léonie et la subtilité des arrangements ainsi que la sobriété parée d'habits jazzy qui habite le lucide et noir The World Won't Remember Your Name. The Darkest Waters permet un solo de toute beauté de Pierre Laplace avant que l'opus clôture sur l'épique et magistral Everything Comes Alive, une plongée, au coeur des ténèbres, dispensée par cet orchestre du marchand de sable tout à fait hors du commun.

Je vous recommande personnellement de vous procurer cette pépite folk/jazz sur bandcamp qui est disponible en version digitale et physique à des prix plus que raisonnables afin de contribuer et entretenir cette fibre artistique indépendante précieuse. Un album magnifique qui requiert absolument une suite aux aventures musicales de ce duo.