Tellement d'artistes intéressants à vous faire découvrir, tant d'albums en attente d'écoute et de chroniques à réaliser et l'on pourrait aisément penser, à juste titre, que je perds mon temps à vous (re)parler d'elle. Pourtant, je lui dois quelque chose. L'an passé, j'ai écris beaucoup moins, ma grossesse ayant grandement diminué mon envie de partage, certains de mes lecteurs, les moins fidèles, s'en sont allés en toute logique vu que je ne maintenais plus la cadence infernale tenue depuis plus de trois ans. Puis, les mois ont passé, mon envie de partager est réapparue peu à peu, et j'ai décidé d'écrire en septembre 2011 sur l'inattendu et excellentissime premier Lp de Lizzy Grant qui était passé inaperçu. Cet article a résucité les statistiques de mon blog. Je n'avais jamais fais vraiment attention à ces statistiques même si je trouvais que pour un petit blog aussi insignifiant que le mien, elles étaient déjà impressionnantes. Je n'avais rien calculé, je ne savais même pas à l'époque que le phénomène Lana Del Rey, au final, n'était encore qu'à ses balbutiements vu tout le ramdam médiatique qui n'a réellement pris de l'ampleur qu'à partir de la rentrée 2011.
Le nom est dit. Lana Del Rey aka feu Lizzy Grant. Elle qui déchaîne autant de passions que de désamours depuis qu'elle a envahi la toile vers mai 2011. Une vidéo bricolée, une chanson Video Games qui joue sur la fibre nostalgique d'une période (50's et 60's) qui s'est contruite sur des fantasmes au vu d'une réalité autrement plus sombre (si l'on se réfère aux destins tragiques de James Dean et de Marylin Monroe et je ne parle même pas des dizaines d'autres dont ceux de Marlon Brando ou encore d'Elizabeth Taylor, personne ne peut envier leur sort et leur descente en enfer même s'ils ont eu l'opportunité de vivre jusqu'à un âge relativement avancé). La différence entre la pellicule (et/ou le papier glacé) qu'on nous vend/vendait du rêve et la réalité est tout simplement abyssale. D'ailleurs, on peut faire le même parallèle entre la montée en épingle du phénomène "Lana Del Rey" et sa chute (prédestinée, fallait pas rêver, soyons juste logique, à défaut de pragmatique : que peut sortir une artiste signée sur Interscope/Universal ? Certainement pas un chef d'oeuvre. Et bien, si certains y ont cru, j'en connais qui mettent toujours une chaussette auprès du sapin à Noël). Entre le fantasme des premiers jours d'une future diva et/ou princesse de l'indie façon lynchéenne (cela fait trop cool de le dire, dans genre on est cultivé) et à l'arrivée une artiste qui a fait appel à un producteur de hip hop bling bling pour ses "débuts" calculés, le choc n'en n'est que plus rude. La réalité a rattrapé l'artiste dont on ne sait plus si elle est sincère ou si elle n'est que la synthèse de l'équation issue de calculs marketing savamment orchestrés, à tout le moins au départ, par son management mais qui tourne, depuis quelques semaines, en eau de boudin (le retour de manivelle ?).
Pourtant, les prémisses du désenchantement médiatique étaient bel et bien présentes, et cela depuis même le début, et n'a eu de cesse d'évoluer en crescendo : un physique atypique et rafistolé qui séduit (fascine) ou rebute, une identité cachée, derrière le personnage de Lana Del Rey (un mix de Lana Turner et de la chevrolet Del Ray), bien c'est au final que Elisabeth Grant la fille d'un milliardaire, qui a certes fait des bétises peu reluisantes (drogues, alcool, etc.) mais somme toutes banales au possible en signe de rebellion adolescente. Ensuite, les accusations de plagiat d'une chanson grecque et au final ses performances en live qui sont assez particulières et considérées comme faiblardes par une presse à l'affût du moindre faux pas. D'ailleurs, celle-ci (si attendu) interviendra à l'occasion de sa très maladroite prestation à l'émission américaine Saturday Night Live, le présentateur n'hésitera pas à déclamer que c'était le pire live qu'il ait vu en 30 ans d'émission, ce fut le début de la fin. A partir de ce moment-là, les médias se sont déchaînés, comme rarement auparavant, sur une jeune artiste, je n'avais plus assisté à ce genre de lynchage médiatique depuis l'incident Sinead O'Connor. J'en suis venue à me demander s'ils n'avaient perdu la tête et si au final, ils n'attendaient que cela.
Pour en revenir à nos moutons, le "premier" Lp de Lana Del Rey : Born To Die faisait déjà le buzz avant même sa sortie, tout le monde était dans les starting blocks afin de savoir ce qu'il en était de cette artiste bien mystérieuse et surtout pour se trouver dans les premiers pour encenser ou critiquer cette oeuvre attendue comme le messie en ce début 2012. Et personne n'a été déçu, car même ceux (et ils représentent la grande majorité) qui ont été déçus (pour des raisons le plus souvent injustes et infondées), ils ont tout de même réussi à se défouler et à attirer les haters du coin. En effet, on peut désormais aujourd'hui affirmer, une semaine après sa sortie officielle, que Born To Die a été descendu en flamme. Les gens qui ont au départ adulé Lana Del Rey se sont sentis dupés, ils n'ont pu se résoudre à admettre la triste réalité ou plutôt ils se sont pris la vérité en pleine face : leur princesse indie glamour s'était transformée en princesse pop tout ce qu'il y a de plus ordinaire... Bouhhh, Born To Die, avec sa superbe pochette, au concept mi-ange mi-démon, n'est qu'un (de ces nombreux) opus clinquant, un ramassis de mélodies entêtantes, bref un excellent opus de musique mainstream. Par conséquent, rien d'intéressant à se mettre sous la dent quand on se croit à la tête d'un site ou blog de musique hype.
Ce qu'ils ne savaient pas ces bloggeurs, c'est que Lana ne voulait pas les toucher, non, elle ne désirait qu'une chose : devenir une star de la pop (pour elle c'est Britney Spears la reine de la pop, comme choix douteux, on ne peut faire mieux) que tout le monde s'arrache, sur son vrai premier Lp, le titre Brite Lites est tout à fait évocateur de cette envie brûlante et lancinante, à l'image de sa voix. S'il y a bien une chose que l'on ne pourra jamais enlever à Lana, c'est bien sa voix d'une sensualité froide et détachée, inimitable, inoubliable, elle a une façon de faire cohabiter les aigus et les graves vraiment unique, elle est hypnotique. Son "nouvel" opus quant à lui ne sera pas si inoubliable, largement un cran au-dessous de son "ancien" album que Lana préfère mettre sous silence car cela entacherait sa nouvelle identité, Born To Die est maladroit, inabouti, à la fois trop sage et outrancier, mélodramatique au possible et un peu trop homogène. Il rend schizophrène car au-delà de tous ses défauts, je ne peux m'empêcher de l'écouter non stop depuis sa réception il ya une semaine. Impossible de m'en détacher et quand il me prend l'idée saugrenue d'écouter autre chose, c'est Lana qui vient hanter mes pensées. Elle est trop forte cette Lana.
Je ne sais pas quoi penser de cette grosse machine commerciale jouant à la fois la carte de la modernité (on divague vers le hip hop et le RB par moments, de plus, on sent la patte du producteur Emile Haynes qui a déjà travaillé pour Kanye West, Kid Cudi, Ice Cube, etc.) et celle du glamour d'antan, l'Hollywood des années 50's, période de tous les fantasmes et qui n'est pourtant qu'une des plus grandes fumisteries vendues à ce jour... Pourtant, pourra-t-on en vouloir à Lana Del Rey de s'être construit un personnage, un univers à elle ? N'est-ce pas le propre d'un artiste ? Bien sur que oui, elle n'a rien fait de plus mal qu'une autre Madonna, et j'en passe. Lana n'est pas une artiste accessible, elle se prend pour une star et cela depuis le début. Le mystère autour d'elle a été dévoilé trop vite, beaucoup de morceaux présents sur Born To Die sont connus depuis une éternité (d'ailleurs, elle a voulu se rattraper avec une édition bonus tracks en y mettant trois titres supplémentaires), le buzz n'a plus lieu d'être et cela devient si facile d'en dire du mal, de se marteler que l'on s'y attendait, etc. Pourtant, l'album s'écoute sur repeat sans fin ni réelle faim. Il est addictif pour ceux qui ont la capacité d'être touchés par la musique mainstream ce qui s'avère mon cas de temps en temps.
L'album s'ouvre (presque) bizarrement sur le trio gagnant : Born To Die, Blue Jeans et Video Games, en résumé les morceaux qui ont bénéficié officiellement d'une vidéo, ceux qui sont connus de tous. Et bien que le vénéneusement catchy et prenant Off The Races, lequel pourrait tout droit sortir d'une bande originale d'un film de gangsters, se situe après l'envoûtant Born To Die et avant le magnifiquement pompeux Blue Jeans (que je me promets - pas si secrètement puisque je l'écris - d'aimer jusqu'à la fin de ma vie) et le nonchalant, voire endormant, Video Games qui n'a jamais recueilli mes faveurs, c'est bizarre de voir un tel choix de tracklisting, de constater que la machinerie lourde soit mise comme cela en avant, pour cela, la Lana, elle se doit être sûre du reste de la qualité de son opus pour se mettre en danger de la sorte. Diet Dew Mountain ne tient pas la mesure devant ce quatuor qui le précède, il paraît insignifiant, faiblard mais sorti du contexte il est intéressant, le chant sexy de Lana, l'instrumental, tout tient la route, sauf quand il en vient à succèder à... Blue Jeans et Video Games. National Anthem vient relever un peu le niveau, le chorus est intéressant, on se croirait dans un morceau made in Kanye West ou de Jay-Z, bref c'est bizarre et en même temps surprenant : on nage dans l'inconnu, ce morceau pop aux relents hip hop est résolument très intriguant et plutôt galvanisant.
Et puis, un coup de coeur pour Dark Paradise, le retour au théâtral, au drame, à cette mélancolie un peu forcée sur fond de percussions synthétiques venant appuyer l'intensité de ce chant plaintif. Il y a cette mélodie tellement entêtante et frissonnante qu'on pardonnera même la partie "dance" d'un goût absolument douteux qu'à force d'écouter, j'adorerai par la suite, cela s'appelle du lavage de cerveau mais je suis consentante. Radio est un titre sympathique qui navigue entre dream pop et R&B, c'est agréable et plutôt bien foutu à défaut de marquer les esprits. Carmen renoue avec du lourd, voire du très lourd, se partageant entre des couplets graves et un refrain enchanteur tout en paillettes, le résultat est original et bien maîtrisé. Million Dollar Man lui semble être taille pour être une chanson générique d'un James Bond et même si ce morceau lounge est terriblement séduisant, il ne peut me faire oublier le groupe The Postmarks qui avait fait un boulot remarquable sur leur opus Memoirs At The End Of The World. D'ailleurs, à ce niveau, l'album semble n'exister pour moi qu'au travers du fantastique Summertime Sadness. Je n'ai pas encore trouvé l'explication du pourquoi et du comment mais je suis juste devenue accro à ce morceau et cela risque hélas de durer un moment certain. A ma décharge, ce titre pop incroyablement lumineux frôle la perfection. Sera t'il ou non un hymne de l'été prochain : mystère ? En tous les cas, il est celui de mon hiver. La version simple de Born To Die clôture sur This What Makes Us Girls, un titre anodin au refrain accrocheur, un de plus sur une liste un peu saturée et un brin lassant à ce niveau. Les Bonus Tracks valent le détour : le romantique Without You est soyeux, Lolita aussi aguicheur qu'espéré et d'ailleurs n'est pas sans rappeler une version améliorée (dixit non autotunée) de Britney Spears et Lucky Ones clôture (cette fois-ci pour de vrai) sur une envolée lyrique et théatrale une peu réminiscente à celle de Video Games en version quelque peu édulcorée.
Loin d'être la révélation ou l'artiste de l'année 2012, Lana Del Rey n'a pas à rougir de cet excellent album de pop mainstream. Pourquoi attendre autre chose d'une artiste signée sur Universal/ Interscope, telle est la question ?!
Note Finale : 15,5/20
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4 commentaires:
Très belle chroniques, superbement rédigée. Je n'en attendais pas moins de toi :)
ET je trouve notamment ta conclusion extrêmement judicieuse vu sous cette angle.
Héhé, allez, je m'y suis mise quand même, manière de pas faire mon horrible critique sans savoir de quoi je parle. L'album n'est pas horrible à écouter, c'est pas ce que je préfère effectivement mais en passant, c'est pas non plus à jeter à la poubelle.
J'aime bien National Anthem, Million dollar Man et Summertime Sadness.
Après chez elle comme une certaine tranche de musiciens pop, je crois que ce qui me chiffonne, c'est qu'on dirait que ces albums sont fait à partir d'ordinateurs, on n'entends même plus les instruments tellement il y a d'effets. Et perso, je crois que j'aime trop la chaleur toute simple d'une guitare ou d'un piano, ça me manque quand c'est masqué par l'électronique.
En tous cas merci pour l'analyse !
Eloïse
Très belle plume encore une fois Sab. Je suis,un peu comme toi, j'écoute en boucle depuis hier. On est loin du niveau d'écriture d'une Fiona Apple ou d'une Aimee Mann; les textes sont en fait très faibles, mais c'est accrocheur et çà marche. Et Summertime Sadness est bien évidemment ma préférée également.
15/20 c'est un peu sévère par contre surtout que tu avais mis 17/20 au précédent opus qui est selon moi au moins égal sinon inférieur. Je pense que c'est extrêmement difficile (et je dois t'applaudir pour avoir essayer) de faire une critique tout à fait objective de cet album après tout le brouhaha médiatique. C'est devenu malheureusement ''cool'' d'utiliser Lana del Rey comme punch-bag et je te félicite d'avoir évité grosso modo cet éceuil. La question qu'il faut se poser est la suivante: Son album aurait-il obtenu des critiques aussi désolantes si on n'aurait jamais appris que le personnage Lana del Rey avait été conçu de toute pièce?
Jolie chronique pour une toute aussi jolie plume.
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