Il pourrait presque faire croire que le talent possède un aspect filial, je veux bien entendu parler de Rufus Wainwright. Fils des chanteurs folk Loudon Wainwright III et Kate McGarrigle, frère de la non moins géniale Martha Wainwright, beau-frère de Lucy Roche Wainwright et proche des pères et fils Richard et Teddy Thompson, de Joan Wasser et d'Antony, il baigne dans un univers musical qu'il faut qualifier des plus intéressants et stimulants. Cependant, Rufus possède une personnalité à part, très loin de l'univers musical de ses parents, depuis dix ans il élabore une carrière qui lui est bien spécifique. Génie pour les uns, imposteur pour les autres, Rufus ne laisse personne indifférent, même pas moi. Si je remonte à quelques années, je n'arrivais pas à écouter Rufus, c'est vrai tous ses tics vocaux, son maniérisme musical, je n'étais tout simplement pas prête malgré le fait que je trouvais qu'il possédait une voix unique en son genre profondément émouvante ou irritante au choix, c'est devenu rapidement mon dandy préféré avec Morrissey.
Et puis, il y a un peu moins d'un an lorsque je chroniquais les deux opus de Joan As Policewoman (Joan Wasser) ici, je l'ai redécouvert sous un aspect sensiblement plus sobre et cela m'a plu. J'ai poussé plus loin l'aventure en écoutant son cinquième opus Release The Stars qui est l'objet de cette chronique ainsi que ses oeuvres précédentes. Une initiative salutaire car je suis devenue rapidement accro à sa musique, j'ai tout accepté sans retenue aucune : son côté guimauve, fleur bleue, égotique, excentrique, grandiloquent, vulnérable, etc. Il a toujours de nombreuses idées en profusion ; dans sa tête se bouscule des références de tous bords : pop, folk, jazz, cabaret, broadway, opéra, le tout mixé constitue l'univers artistique de Rufus Wainwright. Quand on regarde de plus près, il a tout pour lui : cet éternel beau gosse charismatique, gay, créatif, original posséde l'une des plus belles voix masculines du moment est représente sans conteste l'un des artistes qui aura marqué le 21ème siècle quel que soit l'avis qu'on lui porte.
Pour ce cinquième album Release The Stars sorti en 2007, il le voulait au départ plus sobre que ses oeuvres précédentes et pourtant il n'aura jamais autant étincelé, son pari a échoué pour le bonheur de nos oreilles émerveillées par son talent de compositeur rehaussé par la production de Neil Tennant (Pet Shop Boys) et de Marius De Vries qui procure un son sophistiqué, aérien et assez uniforme à l'ensemble de l'album, le rendant irrésistible et très agréable à l'écoute. Do I Disappoint You ouvre en fanfare l'album : un morceau vivifiant, grandiose voir carrément grandiloquent qui bénéficie d'arrangements orchestraux magnifiques et de l'appui non négligeable des choeurs à la Kate Bush de sa soeur Martha Wainwright. Magistral ! Going To A Town est l'une des plus belles chansons pop entendues ces dernières années. Entre amertume, envie de liberté et nostalgie, Rufus offre une interprétation éblouissante sur ce titre qui sonne dans la lignée des meilleurs travaux de Randy Newman. Ce petit chef d'oeuvre pop est à écouter en priorité.
Tiegarden renoue avec une certaine légèreté : ce morceau doux amer à l'ambiance ouvertement céleste sonne d'une beauté sans pareille aux oreilles. Un pur bonheur. Plus classique dans sa structure, le somptueux Nobody's Off The Hook donne des frissons, peut être forcé par la richesse de l'instrumentation mais la voix de Rufus ne s'y trouve jamais noyée et il parvient même à donner une interprétation à fleur de peau sans fioritures. Between My Legs est le morceau pop par excellence. Ouvertement sexuel (je crois que le titre le résume bien), excentrique et életrique, il démontre s'il le fallait encore le génie mélodique qu'il devient peu à peu. Une fois happé dans son univers, on ne veut plus en ressortir. A tomber. Rules and Regulations continue de nous séduire : pleine d'entrain avec un petit air de pop mariachi. On pourrait croire que c'est de trop, que nos oreilles sont saturées par tous ces sons, par cette emphase musical et pourtant... on se croirait dans une comédie musicale décalée et intelligente.
Le calme revient avec la ballade feutrée, mélancolique et enchanteresse Not Ready To Love qui est une de mes chansons préférées sur l'opus. Un morceau sensationnel. Toujours dans une certaine mélancolie, Slideshow se démarque par ses envolées lyriques, par un Rufus toujours très investi dans son art. Un petit bijou. A l'image de Nobody's Off The Hook, Tulsa bénéficie d'arrangements de musique classique met en évidence l'envie très forte de Rufus de composer un opéra, le rêve ultime de sa vie. Prenant et captivant. Sur le morceau aérien Leaving For Paris n°2, Rufus n'aura peut être jamais été aussi sobre et envoûtant. On rêvrait presque d'un morceau de clôture tant il est parfait. Une merveille. Légèreté, sensualité et charme sont au rendez-vous avec le joli titre atypique Sanssouci. Ahhh la flûte ! Release The Stars clôture sur une note emphatique et 50's l'album. Un petit bonheur rétro à savourer.
Le truc avec Rufus c'est qu'on en a plein les oreilles, à chaque fois, il doit aller toujours plus loin, toujours plus haut. C'est sa devise : tout ou rien car il ne fait jamais les choses à moitié. Certains détracteurs pourront lui reprocher qu'il se répète, que le résultat final est un peu surfait, etc. Mais tout cela est faux, Rufus ne se réinvente pas à chaque album, je veux bien l'admettre mais il ajoute toujours un petit quelques chose, une note de modernité par ici, des paroles décalées par là. Il affine sa plume à chaque fois, gagne en profondeur et développe son talent de pop singer en signant des mélodies particulièrement réussies et marquantes. Cet album fait le compromis parfait entre musique accessible et intransigeante. Une perle rare, cette diva des temps modernes.
Note Finale : A++
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